Dans la cosmogonie des peuples Moose du Burkina Faso, la société à masques – connue sous le nom de Wango (singulier) et Wamdo (pluriel) – est l’une des institutions les plus sacrées et les plus mystérieuses. Elle fait partie des Nindi, ces sociétés secrètes qu’on décrit comme “extraordinaires” ou “inaccessibles”, tant leurs savoirs et leurs rites défient l’entendement commun.

Le Masque : Une Présence Vivante et Sacrée

Le masque moose n’est pas un simple ornement rituel. Il est un être vivant, un esprit matérialisé, un pont entre le monde visible et les forces invisibles. Lors des rituels, funérailles, fêtes traditionnelles ou crises communautaires, le masque intervient, guide, purifie, protège. Il est au cœur de la relation entre les hommes, les ancêtres et les divinités.

Le Masque et la Naissance Mystique

Dans de nombreuses familles moose, des couples qui peinent à avoir des enfants se tournent vers la société des masques. Un pacte spirituel est alors conclu : en échange de rituels et d’engagements, les masques accordent la naissance d’un enfant. Ces enfants sont considérés comme “donnés par les masques” et portent des prénoms particuliers :

Wango, Wambila, Wampoko, Wangyandé, etc.

Ces prénoms symbolisent un lien sacré entre l’enfant et les puissances spirituelles, un engagement entre deux mondes. Ils rappellent que la vie est, dans la tradition moose, une affaire d’équilibre entre les vivants et les invisibles.

Légitimation du Pouvoir par les Masques

Aucun pouvoir coutumier n’est reconnu sans l’implication des Wamdo. Lorsqu’un chef de terre ou de village est intronisé, les masques sont appelés pour sanctifier l’acte. Ils confèrent la légitimité, valident la continuité entre les générations, et assurent la reconnaissance spirituelle de l’autorité. Le pouvoir ne devient effectif qu’après le passage du masque.

Ainsi, les Wamdo garantissent l’ordre social et cosmique, en rappelant que tout pouvoir doit être ancré dans la tradition et béni par les forces invisibles.

Funérailles et Protection des Vivants

Lors des funérailles, les masques jouent un rôle essentiel. Ils accompagnent l’âme du défunt vers l’au-delà, protègent les vivants contre les esprits errants et purifient les lieux. Ils empêchent que l’âme du mort ne devienne une force perturbatrice, errant sans repos. Cette fonction funéraire fait du masque un passeur d’âmes et un gardien de la paix spirituelle.

Ils sont aussi invités à intervenir lors de désordres, maladies ou conflits, car leur présence incarne l’ordre, la justice et la protection collective.

Le Panégyrique des Masques : Paroles de Sagesse et de Puissance

Les masques sont célébrés à travers un panégyrique traditionnel, transmis oralement de génération en génération, qui exprime la grandeur et le pouvoir surnaturel des Wamdo :

Wang tɩɩm yɩɩd sõodo — La puissance du Wango défie celle du sorcier

Tɩ-sablem sobd yãoodo — Les Wamse ont des intestins noircis de potions magiques

Pa rʋʋg wẽnd yõng tɩɩm — Ils n’ont pas besoin d’aller chez Dieu pour obtenir la puissance mystérieuse

Tɩɩm dʋk zao wa leere — La canarie de wak est toujours sur le feu comme celle qui purifie le nouveau-né

Rayagr noom yɩɩd kãnde — La canne du masque, par sa magie, est plus tranchante qu’une lance de guerre

Ces paroles révèlent que les masques moose ne sont pas que des symboles culturels : ils sont des institutions spirituelles vivantes, gardiennes des équilibres visibles et invisibles.